samedi 23 décembre 2023

Visite à la Cité Radieuse de Marseille : Bien plus qu'un immeuble, une expérience


Je m'approche de lui, et la première impression est presque physique. Massif, imposant, couleur terre, posé sur ses célèbres pilotis comme un colossal meuble de rangement. C'est la "Maison du Fada", comme l'ont surnommée avec affection (ou moquerie) les Marseillais. Mais aujourd'hui, je ne suis pas là pour le regarder de loin. Je suis là pour entrer, pour ressentir, pour comprendre l'utopie concrète de Le Corbusier.












Franchir le seuil, entrer dans l'œuvre

Passer sous les pilotis est un premier rituel. L'espace est dégagé, l'ombre et la lumière jouent avec le béton brut. On se sent petit, et c'est exactement le but. L'architecte voulait libérer le sol pour les hommes. Je prends l'ascenseur, un vestige d'époque au charme suranné, pour monter au 3ème étage, le niveau de la "rue intérieure".

Et là, le génie – ou la folie – se dévoile. Un long couloir, sombre, aux couleurs primaires, traverse l'édifice de part en part. C'est l'artère de la ville verticale. Des portes, identiques, s'alignent. On imagine la vie qui s'y cache. Le silence est presque religieux, troublé seulement par les échos lointains d'une existence qui persiste, 70 ans après.





L'appartement-témoin : le choc de l'espace et de la lumière

Puis, on pousse une porte. Et le monde s'ouvre. Après le couloir intimiste, l'appartement en duplex est une révélation. La hauteur sous plafond, la lumière qui inonde la pièce de vie grâce aux fenêtres en bandeau, les couleurs vives qui structurent l'espace... C'est le concept de "machine à habiter", mais avec une âme.

Tout est pensé, mesuré, du Modulor qui définit les proportions au mobilier intégré. La cuisine est un navire, compacte et fonctionnelle. L'espace semble à la fois immense et incroyablement chaleureux. Se tenir sur le "vide-ordures" (un élément d'époque fascinant) ou regarder le soleil se coucher sur la Méditerranée depuis le loggia privatif, c'est toucher du doigt le rêve de Le Corbusier : offrir le confort, l'espace et la beauté à tous.

La vie, toujours, au sommet

La visite ne s'arrête pas aux logements. Monter sur le toit-terrasse, c'est accéder au chef-d'œuvre dans le chef-d'œuvre. C'est un village en altitude, avec son école, sa pataugeoire pour enfants, ses courbes et ses volumes sculpturaux qui captent le vent et la lumière. Se promener entre ces structures, avec une vue à 360° sur Marseille, la mer et les collines, c'est comprendre que pour Le Corbusier, l'architecture était un outil au service du bonheur collectif.

Une utopie toujours vivante

En redescendant, le regard a changé. La Cité Radieuse n'est pas un musée figé. C'est un organisme vivant. On y croise des habitants, on y trouve une école, un hôtel, et même un restaurant gastronomique. L'utopie n'a pas pris la poussière ; elle respire, elle s'adapte.

Partir de la Cité Radieuse, c'est un peu comme quitter un autre monde. On emporte avec soi l'écho d'une vision, à la fois radicale et profondément humaine. Ce n'est pas qu'un bâtiment classé au patrimoine de l'UNESCO ; c'est une leçon d'architecture, une expérience sensorielle, et une invitation permanente à rêver la ville de demain. Une visite qui, assurément, vous marquera.